La séparation de l’Eglise et de l’Etat

Publié par France-Trotter le

La séparation de l’Eglise et de l’Etat

Intro : La France est aujourd’hui une république laïque. Une part importante de ses habitants se revendiquent comme laïc, tandis que les croyants ne sont plus exclusivement des catholiques, ou des protestants, mais ils sont aussi musulmans, juifs ou encore bouddhistes. Malgré le déclin important de la place du catholicisme dans la société et dans le débat public, les traces de son prestige d’antan sont encore bien visibles dans notre quotidien : les saints, les jours fériés, les monuments, les cloches qui sonnent, etc. Cependant, l’origine du catholicisme en France et les différentes facettes de son importance sociale et politique ne sont pas forcément connues. Alors aujourd’hui, nous nous focaliserons sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

Contrairement à la pensée collective, l’Eglise ne fut pas soudainement mise au ban de l’Etat à partir de la Révolution Française. A travers mes articles précédents, j’ai montré les différentes relations entre l’Eglise et l’Etat de l’Antiquité à la fin du XVIe siècle. Nous avions vu que ces relations étaient bonnes et fortes mais qu’elles n’étaient pas toujours au beau fixe. Avant de séparer réellement l’Eglise de l’Etat, la France a, tout d’abord, conduit une première politique d’émancipation envers le Saint-Siège.

XIIIe siècle : la première insubordination contre l’Eglise

L’une des premières velléités politique françaises contre l’Eglise fut dirigée contre le Saint-Siège. Le Roi de France Philippe le Bel perdait patience vis-à-vis de l’autorité du Pape. En 1295, pour préparer sa conquête des Flandres, le roi devait entretenir une importante armée. Pour augmenter ses ressources financières il créa la décime. C’était un impôt pour le clergé qui en était jusque-là exonérer. Le Pape Boniface VIII s’insurgea contre cet impôt et réaffirma la supériorité du Pape sur les Rois.

Philippe le Bel le Bel ordonna alors, en 1303, l’arrestation du pape et son jugement par un concile. Il fut traqué en Italie par les hommes du Roi de France alliés aux rivaux du pape. Mais, il décéda avant son arrestation, le 11 octobre 1303. Pour le remplacer, Benoît XI fut élu le 22 octobre 1303. Beaucoup plus conciliant que son prédécesseur, il annula la plupart des mesures allant à l’encontre de la volonté du puissant roi de France. Cependant, Benoît XI eut un règne court et décéda le 7 juillet 1304.

Philippe le Bel profita de cette vacance du pouvoir pour avancer ses pions. La curie était à ce moment-là très divisé entre d’un côté les Colonna allié des français et de l’autre les proches de l’ancien pape Boniface. Pour réussir à concilier les deux camps, il fut décidé d’élire un pape hors du Sacré-Collège des cardinaux. Le choix se porta donc sur le futur Clément V. Ce choix fut pris en pleine considération des volontés françaises. Ainsi, le Roi put disposer de la décime. Il lança aussi un procès contre les Templiers. Ce fut une autre mise au pas des institutions religieuses.

1682 : le Gallicanisme, prémices de la séparation de l’Eglise et de l’Etat

Sautons dans le temps et retrouvons-nous maintenant lors du Grand Siècle. A cette époque Louis XIV régnait en monarque absolu sur le Royaume de France. Lors de son règne, le roi se confronta au Pape Innocent XI à propos de la disposition des revenus provenant des évêchés dont la nomination de nouveaux évêques était en attente.

Louis XIV alors agacé par les prétentions papales décida de contrôler davantage l’Eglise et de diminuer l’influence du Saint-Siège. Il favorisa un courant en vogue dans le clergé français : le Gallicanisme.  Le gallicanisme était une doctrine organisant l’Église indépendamment des volontés de Rome. Cette doctrine permit au roi d’immiscer son pouvoir dans un nouveau pan de la société.

Pour rendre effectif cette doctrine, l’évêque Bossuet, son principal théoricien, rédigea en 1682, la Déclaration des Quatre Articles qui définirent les libertés de l’Eglise Gallicane. Cette déclaration définissait et limitait les prérogatives entre le pouvoir temporel et spirituel. Le pape n’aurait qu’une autorité spirituelle. Il lui était impossible de légiférer sur le temporel, ni de juger les Rois, ni de les déposer, ni de délier ses sujets. Cependant, le Pape pourrait toujours légiférer le spirituel par les canons de l’Eglise mais les coutumes gallicanes devraient rester en vigueur. Les conciles deviendraient supérieurs à l’autorité papale. Ainsi, les dogmes définis par le Pape devront être consentis par l’Église universelle avant leurs applications.

L’adoption de cette déclaration entraîna évidemment les colères du Saint-Siège, mais le Pape ne pouvait plus rien n’y faire. Son pouvoir était désormais limité. L’Eglise, en France, devenait en partie séparée de l’autorité du Pape. Ce fonctionnement ecclésiastique resta en vigueur jusqu’en 1789.

Cour de marbre du Château de Versailles
La Déclaration des Quatre Articles fut établies au Château de Versailles en 1682

1789 - 1794 : la première séparation de l’Eglise et de l’Etat

A partir de la Révolution Française, les anciennes institutions monarchiques furent balayées. L’Eglise et son clergé furent très impactés. Moins d’un mois après la Prise de la Bastille, le 11 Aout 1789, la dîme, l’impôt à payer au clergé, fut supprimée. Puis, le 20 Août, un Comité ecclésiastique est formé afin de préparer la réforme de l’Eglise Française.

L’Eglise subit alors de grands bouleversements dans son organisation. Le 2 novembre 1789, les biens de l’Eglise furent confisqués. Puis, le 13 Février 1790, les ordres religieux furent supprimés. Enfin, le plus grand bouleversement tomba le 12 Juillet 1790 avec l’entrée en vigueur de la Constitution civile du clergé afin de constituer la nouvelle église française. L’Eglise dut accepter la réduction et la suppression de nombreuses fonctions religieuses. Les clercs devinrent des fonctionnaires d’Etat élu. Ils devaient obligatoirement prêter un serment les obligeant à respecter la Loi et la Constitution et ne pouvaient plus exercer de responsabilité politique, hormis celle de député. Evidemment, le Pape perdait son pouvoir de nomination. Cela mit fin à l’organisation gallicane qui était en place, mais ce fut, en même temps, sa continuité philosophique.

En réaction, Pie IX déclara la France schismatique, les évêques fuirent le pays, les curés entrèrent dans la clandestinité. Les révolutionnaires se radicalisèrent alors, et cherchèrent à déchristianiser la France à partir de la fin 1791. Progressivement, ils persécutèrent et massacrèrent des prêtres réfractaires et fermèrent des églises. Puis, ils allèrent encore plus loin en, démolissant des clochers, mettant en place le calendrier républicain, instaurant des fêtes civiques ou en fondant les cloches.

Les révolutionnaires donnèrent le coup final en décrétant la première séparation de l’Eglise et de l’Etat, le 18 septembre 1794. Mais à la même période, Robespierre fut guillotiné et le pouvoir Révolutionnaire se rendit compte de l’impact négatif de cette stigmatisation des religieux. Dès lors, un groupe d’évêques tenta de reformer le culte national qui ne sera accepter que d’après de longues tractations avec la Convention en 1795. L’Eglise retourna ainsi dans le giron de l’Etat.

Puis, en 1801, Napoléon, estimant que l’Eglise était nécessaire à la stabilité de l’Etat, signa un Concordat avec le Saint-Siège rétablissant une partie des prérogatives de l’Eglise et remettant modestement le Pape dans le jeu des décisions cléricales.

1905 : la séparation de l’Eglise et de l’Etat

Vous l’aurez compris, Le XIXe siècle signifie le retour de l’Eglise dans le paysage social. Mais les relations de l’Eglise envers les Républicains étaient toujours très tendues. La situation ne s’améliora pas plus au début du XXe siècle, lorsque que Waldeck-Rousseau et Emile Combes commencèrent à restreindre drastiquement les droits religieux. Dans le même temps, à Rome, l’élection du Pape Pie X en 1903 déclencha une crise diplomatique avec la France. Le Pape ne voulant pas faire de concessions, il créa de nombreux conflits politiques et les relations diplomatiques avec la France cessèrent. Mais cela mit automatiquement fin au concordat de 1801.

Il fallut rapidement combler ce vide politique pour éviter que les tensions entre Eglise et Républicains ne se traduisent en violences et émeutes. Dès lors, une commission parlementaire, de 33 députés, présidée par Ferdinand Buisson et rapportée par Aristide Briand, fut mise en place. Les membres de la commission s’écharpèrent entre la destruction ou l’intégration totale de l’Eglise. Par conséquent, elle en conclut rapidement qu’il fallait produire un texte conciliant pour éviter les violences.

Lors du vote du texte, l’Assemblée fut tout aussi divisée que la commission. La gauche républicaine craignait le maintien de l’influence papale et la droite catholique craignait la destruction de l’Eglise.  Aristide Briand usa de son talent politique pour faire voter la loi, le 3 juillet 1905, par 341 voix contre 233 à l’Assemblée, et le 6 décembre 1905, par 181 voix contre 102 au Sénat.

La loi proclama alors la liberté de conscience et elle garantit le libre exercice des cultes tout en posant le principe de séparation de l’Eglise et de l’État. Elle instaura aussi l’interdiction de financer de culte tout en exonérant les donations et les legs. De plus, les religieux pouvaient demander l’autorisation d’utiliser gratuitement les édifices religieux saisis à la Révolution.

Sa mise en application fut longue car le Vatican ne voulait pas accepter cette loi et certaines régions françaises y étaient largement opposées au point de créer des heurts. Il fallut attendre la Première Guerre Mondiale et l’élection de deux nouveaux papes, Benoit XV et Pie XI pour parvenir à un accord définitif et la reprise des relations diplomatiques.

Palais Bourbon assemblée nationale
La loi de Séparation de l'Eglise et de l'Etat fut votée le 3 juillet 1905 à l'Assemblée Nationale

1919 & 1939 : le Concordat d’Alsace-Moselle & les Décrets Mandel

Bien que la République Française ait entériné la séparation de l’Eglise et de l’Etat, des dérogations continuèrent à exister. La première dérogation fut le Concordat d’Alsace-Moselle. Ce concordat, existant lors de l’intégration de l’Alsace-Moselle par l’Allemagne entre 1870 et 1918, fut maintenu en 1919 lors de la récupération du territoire après la Grande Guerre et fut de nouveau validé par le Conseil Constitutionnel en 2013.

Le concordat, toujours en vigueur, permet les éléments suivants. L’enseignement de la religion dans les écoles. La rémunération des religieux par l’Etat Français ainsi que la nomination des évêques de Metz et de Strasbourg par le président de la République, après accord du Saint-Siège. De plus, il autorise le maintien des facultés théologique de Strasbourg et de Metz, dont les diplômes sont reconnus par le Vatican.

La deuxième exception a été établie par le Ministre des Colonies, Georges Mandel en 1939. Il instaura les 16 janvier et 6 décembre 1939 les Décrets Mandel adaptant la loi de 1905 aux spécificités des territoires ultramarins. Dans de nombreux territoires ; Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna, la Guyane, la Polynésie française, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises ; les cultes peuvent bénéficier d’une aide publique et posséder des biens immobiliers.

Université Théologique de Strasbourg
Le Concordat d'Alsace-Moselle permet le maintien de l’Université Théologique de Strasbourg

Les principales villes de la séparation de l’Eglise et de l’Etat

Retrouvez les principales villes de de la séparation de l’Eglise et de l’Etat dans mes Cartes aux Trésors. Nous découvrirons ensemble leurs plus beaux monuments.

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